La nature dans son ensemble, sauvage, dangereuse, mais aussi g n reuse, est repr sent e par des dieux bucoliques, moins tincelants et plus ambivalents que les dieux l mentaires. En Inde v dique, il s'agissait de Rudra, le col rique dieu insoumis qui vit en marge des autres divinit s.
Plut t que Rudra, les V diques v n raient plus g n ralement des divinit s jupit riennes comme Indra ou Varuna. Quant au principe destructeur et r g n rateur, il tait incarn par Agni, le dieu du feu. Rudra n'est donc pas une divinit majeure du panth on v dique, mais plut t une divinit dont le culte pr datait l'arriv e en Inde des premiers Aryens, et perdurera apr s la fin du brahmanisme.
Ce ma tre de la nature est en effet abondamment pr sent dans l'iconographie de la civilisation de la vall e de l'Indus, qui pr date l'acculturation aryenne du sous-continent. On retrouve aussi sa trace en pays dravidien: depuis la plus haute Antiquit et jusqu' nos jours, Shiva, sa par dre et leur fils Murugan y sont des divinit s majeures.
Vers la fin du premier mill naire avant notre re, la civilisation de l'Indus, l'aryenne et la dravidienne, se m lang rent pour ne plus faire qu'une. D s lors, Rudra cessa d' tre une divinit de second plan pour devenir Shiva-Sureshwar, le seigneur des seigneurs, le dieu des dieux.
Le v disme des d vas battu en br che par des cultes plus populaires et plus accessibles, Shiva et sa famille devinrent les sujets d'innombrables l gendes ( puranas ), et Rudra-Shiva rempla a Indra au sommet du panth on indien. Shiva prit alors le nom de Mahadeva, le plus grand des dieux .
Si les divinit s l mentaires, les d vas, sont des fils et des petits-fils de Brahma, ce n'est pas le cas de Rudra, qui ne conna t ni la mort ni la naissance et dont la pr sence pr c dait la cr ation elle-m me. Col rique et violent, il est Rudra, mais calme et m ditatif, il est Shiva, un mot qui signifie litt ralement le doux en sanskrit.
Rudra ne se voit attribuer que trois hymnes dans le Rig-Veda (sur les 1028 qu'il contient), mais il est mentionn avec plus de consistance dans le Yajur-Veda, qui lui consacre un tr s long hymne sp culatif: le Sri Rudram ( le divin chant de la col re ). Ce chant m taphysique est dot d'une po sie intense et violente et nous invitons fortement le lecteur s'y r f rer. Compos oralement vers l'an mille avant notre re, il s'agit incontestablement d'un des plus grands chefs-d'oeuvre litt raires de l'Antiquit .